Aménagements cyclables et transparence...


Extrait facebook (semaine du 15 juin 2020)

Dans le texte FB ci-dessus, un représentant de l'association bayonnaise Atelier vélo Txirrind'ola ("rouge") s'adresse avec force à un membre de l'AVAP ("violet"). L'auteur articule deux griefs, puis évoque l'absence de coopération interassociative.
Cette diatribe mérite d’être commentée.

1 - Non, l'AVAP ne s'est pas opposée à la création d'une piste cyclable sécurisée par la municipalité. 

Par contre,  l'AVAP a contesté la déclaration publique de Mr le Maire de Bayonne selon laquelle l'association aurait été associée à la conception de cette piste. En effet, l'AVAP a seulement été conviée à une visioconférence de présentation d'un projet déjà abouti (moins de 8 jours avant le début des travaux avenue Malraux à Bayonne).

S’agissant de la création d’une piste cyclable bidirectionnelle à hauteur de trottoir, alors que le trafic journalier déclaré est inférieur à 5 000 véhicules/jour, l’AVAP a également « osé » questionner le niveau de priorité de cet aménagement.

En effet, selon la charte d'aménagement du plan vélo actuellement en vigueur, cette configuration ne nécessite pas forcément de séparer les trafics. La portion concernée de l’avenue André Malraux est en pleine zone 30 et, en l’absence d’élément probant le justifiant (trafic lourd, pente prononcée), l'AVAP aurait préféré que les budgets soient en priorité orientés sur les liaisons partant du centre ville vers le sud (avec l'hôpital, deux lycées, un collège et technocités...) et vers Anglet.  

Il a été répondu qu’il s’agissait d’une commande de Mr le Maire répondant à la demande des associations bayonnaises et que celles ci s’en félicitaient.

Aujourd’hui, cet aménagement est pratiquement terminé et un premier bilan est donc possible. Le trottoir enherbé côté montant a été bitumé pour créer une piste cyclable bidirectionnelle à hauteur de trottoir avec suppression de l'espace piétonnier. Dans le même temps, les bandes cyclables ont été supprimées et une bande de stationnement automobile a été créée côté descendant, alors qu’il était précédemment interdit. 

Un important espace a donc été minéralisé au profit du stationnement automobile, en contradiction au moins apparente avec l’objectif environnemental revendiqué.

Alors que le diagnostic citoyen vélo de Bizi! ou celui du plan vélo de l'agglomération, comme les relevés de l’ONISR, ne détectaient aucun « point noir » le justifiant, cet aménagement pose surtout des problèmes d’accessibilité et de sécurité qui pouvaient être anticipés et qui engagent, du point de vue de l’AVAP, la responsabilité des décideurs :

  • la suppression pure et simple du cheminement piéton côté montant parait difficilement compatible avec les exigences d’accessibilité en milieu urbain (loi de 2005) ;
  • un partage de l’espace cyclable avec les piétons semble donc inéluctable, laissant présager des conflits d'usage à leur détriment ;
  • l'accidentologie cycliste  résultant de la création de plusieurs intersections avec les autres flux d’usagers (piétons, cyclistes, motorisés) n'est pas favorable : 
    • s'agissant d'une piste bidirectionnelle, la baisse statistiquement significative de 11% des accidents attendue en section courante (hors carrefours) est plus qu'annulée par une hausse statistiquement significative de 24% aux intersections (Elvik, Høye et al. 2009 cité par OCDE. Rapports de recherche du FIT : Le vélo, santé et sécurité. 2015) ;
    • cet argument d'accidentologie n'est pas remis en cause par l'expérience acquise en France à partir du registre du Rhône ou plus largement par la revue de la littérature publiée par France Santé Publique en 2019 ;
    • le diagnostic du plan vélo explique par ailleurs que l'excès de sécurité perçue et le déficit de sécurité vécue qui résultent de ces aménagements ont pour conséquence un risque d’accident élevé : les cyclistes ne sont pas en condition pour évaluer et gérer le danger alors que les automobilistes sont surpris de rencontrer un cycliste aux intersections.

Considérant ces éléments négatifs ainsi que les flux d'échange décrits dans le PDU (p71 et suivantes de la pièce 4.2), tant à l'échelle communale qu'intercommunale, dans l’attente de comptages qui viendraient démontrer une hausse significative de la pratique cycliste sans conflit d’usage délétère, l’AVAP renouvelle ses regrets quant au niveau de priorité accordé à cet aménagement, aux dépens d’autres axes qui lui semblaient prioritaires. 

L'association recommande la prudence aux usagers de cet aménagement aux intersections et leur rappelle la priorité systématiquement due aux piétons.

L'AVAP constate enfin que le représentant de l'atelier vélo n'essaie pas (et n'a jamais essayé) de discuter ce constat purement factuel, quoiqu'essentiellement basé sur des considérations sanitaires. Il se contente de mettre directement en cause l'objet même de l'AVAP. 
"Hélas ! L'on dit bien vrai : qui veut noyer son chien l'accuse de la rage."

2 - Non, l'AVAP n'a pas critiqué une"opération" auprès des politiques présents 

En revanche, un représentant de l'AVAP a effectivement échangé avec l'élu en charge du Conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) à propos des risques attachés à ce projet pour les raisons similaires à celles citées au paragraphe précédent. 

"L'opération", s'il s'agit bien d'elle, consistait en effet à aménager de façon provisoire une piste cyclable bidirectionnelle sur le pont Saint Esprit à Bayonne en remplacement d'une voie motorisée et à la présenter comme solution à l'échec des expérimentations menées depuis l'arrivée du tram'bus sur les trottoirs).

Le représentant de l'atelier vélo Txirrind'ola sera heureux d'apprendre que la discussion en cause ne faisait que prolonger les échanges en cours au CLSPD, l'organisme s'étant saisi du sujet et le représentant de l'AVAP y siégeant depuis plus de deux ans.

La chose se complique si l'on considère que le représentant de l'AVAP sus-incriminé est également adhérent de la dite association organisatrice de l'évènement (ce n’est pas le seul) et mieux, la représentait au CLSPD, au moins jusqu'à cette date. 

"...Et service d'autrui n'est pas un héritage."

3 - "... au courant de notre travail, c'est une vaste blague"

La vaste blague dure depuis un moment.

L'AVAP a été créée par des adhérents de Txirrind'ola "pour ne pas risquer d’incommoder les élus quand il a fallu s’attaquer à l’inaction publique". L'atelier vélo Txirrind'ola se définissait en effet comme "un atelier vélo. Ni plus, ni moins que la boite à outils des cyclistes du coin qui concourt à la vélonomie de ses adhérents."

Quelques mois plus tard et en réponse aux demandes de l'AVAP, le syndicat des mobilités acceptait un cycle de rencontres avec les associations à propos des travaux du tram'bus. L'atelier vélo, sans avoir informé la masse de ses adhérents y envoyait des représentants qui n’ont à aucun moment accepté de participer à des réunions préparatoires inter-associations, notamment pour l'établissement d'un référentiel commun. Faute de prendre en compte les réalités locales d’urbanisme, l’ «  oubli » par l’administration de ses obligations de suivi et d’information en matière d’environnement et d’accidentologie et surtout les exigences du plan vélo actuel, les positions respectives de certaines associations sont rapidement devenus divergentes, voire incompatibles, face à la question clé : que fait-on quand l'espace disponible est insuffisant pour créer des pistes cyclables apportant réellement une sécurité, ce qui est notamment le cas entre Saint Léon et Marracq ? 

L’actualisation du plan vélo pour tenir compte des évolutions réglementaires et sa mise en application sont  ainsi devenus des objectifs incontournables du projet d'observatoire des mobilités soutenus par les associations des citoyens du Seignanx, de l'AF3V et de l'AVAP.

Dans le cas des aménagements transitoires réalisés pour le déconfinement, la cyclabilité s'avère insuffisante à cause du traitement des intersections, quelque soit le référentiel utilisé. Non par manque d'emprise, mais à cause d'un oubli de la réalité des risques et des recommandations  applicables. Les risques de conflits ont augmenté avec des vitesses restant élevées. L'AVAP a donc classé ces voiries comme dangereuses, quels qu'en soient les auteurs (1 & 2), à cause du traitement de certaines intersections. 

Fallait-il malgré tout faire la promotion de ces aménagements en prétendant à leur sécurité ? L’AVAP a choisi de s’en tenir aux faits et d’assumer ses responsabilités, sans aucune arrière pensée politique. Cette position a été à l'évidence mal vécue par les représentants de l'atelier vélo. Que faire ? Cette situation leur est en effet imputable et ce, dès la création de leur "groupe transport" : le membre de l'AVAP également adhérent de Txirrind'ola et siégeant au CLSPD s'est en effet vu refusé sa participation à ce groupe au motif qu'il était à l'AVAP... Donc "enragé", à n'en pas douter. 

Le refus de discuter technique dès l'origine des dossiers est donc constant et bien antérieur aux griefs actuellement invoqués. Quand la blague ne les fera plus rire, ils nous appelleront peut-être, qu'on travaille enfin (et démocratiquement) au bien commun. 



Bibliographie 

(Attention à vos téléphones et tablettes, il s'agit de documents relativement volumineux)

Le plan vélo de l'agglomération (2012-2015)

Les rapports de recherche du FIT Le vélo, santé et sécurité (2015)

Typologie des accidents corporels de cyclistes âgés de 10 ans et plus : un outil pour la prévention (2015)

Epidémiologie des accidents de vélo et les stratégies de prévention pour les éviter (2019)



 



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